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APPENDICE.

cela, mais je ris du moyen par lequel je les gagnai.

À qui Sicuran dit : — Hé ! si Dieu me donne bonne aventure, et si c’est chose qui se doive dire, dis-moi comment tu les gagnas. — Monsieur, dit Ambroise, ces choses-ci me furent données avec plusieurs autres par une gentille femme de Gênes, nommée Mme Genèvre, femme de Bernard Lomellin, une nuit que je couchai avec elle, me priant que je les gardasse pour l’amour d’elle ; maintenant je m’en suis mis à rire, parce qu’il me souvient de la sottise de son mari, lequel fut si fol qu’il gagea cinq mille ducats d’or contre mille que je ne ferais point ma volonté de sa femme, ce que je fis et gagnai la gageure ; et lui qui plutôt devait punir soi-même de sa brutalité qu’elle d’avoir fait ce que toutes les femmes font, s’en retournant de Paris à Gênes, la fit tuer, ainsi que je l’ai depuis ouï dire.

Sicuran oyant ceci connut incontinent que cela avait été l’occasion du courroux et de la haine de son mari envers elle, et s’aperçut clairement que celui-ci était entièrement occasion de tout son mal. Si pensa en soi-même de ne le laisser impuni. Sicuran donc fit semblant d’être fort aise de cette nouvelle, et prit une telle et si grande familiarité avec Ambroise que, par ses persuasions, il s’en alla, quand la foire fut finie, avec Sicuran, et porta tout ce qu’il avait en Alexandrie, où il lui fit lever une boutique et lui mit de ses deniers entre mains. Par quoi lui voyant qu’il y profitait grandement, y demeurait volontiers.

Sicuran, soigneux de vouloir rendre son mari Bernard certain de son innocence, ne cessa jamais jusqu’à ce que par le moyen d’aucuns grands marchands génois qui étaient à Alexandrie, il ne l’eût fait venir par nouvelles occasions qu’il inventa. Lequel étant venu en assez pauvre ordre, il le fit recevoir secrètement par aucun