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OTHELLO.

DESDÉMONA.

Ô bon Iago, — que ferai-je pour regagner mon mari ? — Mon bon ami, va le chercher ; car, par la lumière du ciel, — je ne sais comment je l’ai perdu… Me voici à genoux (46) : — si jamais ma volonté a péché contre son amour, — soit par parole, soit par pensée, soit par action positive ; — si jamais mon regard, mon oreille, aucun de mes sens — a été charmé par quelque autre apparition que lui ; — si je cesse à présent, si j’ai jamais cessé, — si (m’eût-il jetée dans les misères — du divorce) je cesse jamais de l’aimer tendrement, — que la consolation se détourne de moi !… L’injustice peut beaucoup, — et son injustice peut détruire ma vie, — mais jamais elle n’altérera mon amour. Je ne peux pas dire… putain ! — Cela me fait horreur, rien que de prononcer le mot ; — quant à faire l’acte qui me mériterait ce surnom, — non, la masse des vanités de ce monde ne m’y déciderait pas.

IAGO.

— Je vous en prie, calmez-vous… Ce n’est qu’une boutade. — Des affaires d’État l’irritent, — et c’est à vous qu’il s’en prend (47).

DESDÉMONA.

— Oh ! si ce n’était que cela !

IAGO.

Ce n’est que cela, je vous assure.

Fanfares.

— Écoutez ! ces instruments sonnent l’heure du souper, — et les nobles messagers de Venise y assistent. — Rentrez et ne pleurez plus. Tout ira bien.

Tous sortent.