Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/357

Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
SCÈNE XII.
et mettre mon âme comme enjeu. Si vous pensez autrement, — chassez votre pensée : elle abuse votre cœur. — Si quelque misérable vous a mis cela en tête, — que le ciel l’en récompense par la malédiction qui frappa le serpent ! — Car, si elle n’est pas honnête, chaste et fidèle, — il n’y a pas de mari heureux : la plus pure des femmes — est noire comme la calomnie.
OTHELLO.

Dis-lui de venir ici. Va.

Émilia sort.

— Elle n’est pas à court de paroles, mais il faudrait être une entremetteuse bien simple — pour ne pas savoir en dire autant. C’est une subtile putain, — un réceptacle, fermé à clef, de secrets infâmes ; — et pourtant elle se met à genoux, et prie : je l’ai vue, moi !

Rentre Émilia avec Desdémona.
DESDÉMONA.

— Monseigneur, quelle est votre volonté ?

OTHELLO.

Je vous en prie, poulette, approchez.

DESDÉMONA.

— Quel est votre plaisir ?

OTHELLO.

Laissez-moi voir vos yeux ; — regardez-moi en face.

DESDÉMONA.

Quelle est cette horrible fantaisie ?

OTHELLO, à Émilia.

— À vos fonctions, mistress ! — Laissez seuls ceux qui veulent procréer et fermez la porte ! — Toussez et criez hem ! si quelqu’un vient. Votre métier ! — votre métier ! Allons ! dépêchez-vous.

Émilia sort.