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SCÈNE IX.

IAGO.

— Patience, vous dis-je ! vos idées peuvent changer.

OTHELLO.

— Jamais, Iago ! De même que la mer Pontique (39), — dont le courant glacial et le cours forcé — ne subissent jamais le refoulement des marées, se dirige sans cesse — vers la Propontide et l’Hellespont, — de même mes pensées de sang, dans leur marche violente, — ne regarderont jamais en arrière ! Jamais elles ne reflueront vers l’humble amour, — mais elles iront s’engloutir dans une profonde et immense — vengeance ! Oui, par le ciel de marbre qui est là-haut, — au juste respect de ce vœu sacré — j’engage ici ma parole.

Il tombe à genoux.
IAGO.

Ne vous levez pas encore !

Il s’agenouille.

Soyez témoins, — vous, lumières toujours brûlantes au-dessus de nous ; — vous, éléments qui nous pressez de toutes parts ! — Soyez témoins qu’ici Iago voue — l’activité de son esprit, de son bras, de son cœur — au service d’Othello outragé. Qu’il commande, — et l’obéissance sera de ma part tendresse d’âme, — quelque sanglants que soient ses ordres !

Ils se relèvent.
OTHELLO.

Je salue ton dévouement, — non par de vains remerciements, — mais par une reconnaissante acceptation, — et je vais dès à présent te mettre à l’épreuve ; — avant trois jours, viens m’apprendre — que Cassio n’est plus vivant.

IAGO.

— Mon ami est mort : c’est fait, à votre requête. — Mais elle, qu’elle vive !