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SCÈNE IX.
une putain ! N’y manque pas, — n’y manque pas ! Donne-moi la preuve oculaire,
Saisissant Iago à la gorge,

— ou bien par le salut de mon âme éternelle ! — Il eût mieux valu pour toi être né chien — que d’avoir à répondre à ma fureur en éveil !

IAGO.

En est-ce donc venu là ?

OTHELLO.

— Fais-moi voir la chose, ou du moins prouve-la moi — si bien que la preuve ne porte ni charnière ni tenon — auquel puisse s’accrocher un doute ; sinon, malheur à ta vie !

IAGO.

— Mon noble maître !

OTHELLO.

— Si tu la calomnies et si tu me tortures, — cesse à jamais de prier, renonce à toute conscience, — accumule les horreurs sur la tête de l’horreur, — commets des actions à faire pleurer le ciel et à épouvanter toute la terre, — tu ne pourras rien ajouter à ta damnation — de plus énorme que cela !

IAGO.

Ô grâce divine ! Ô ciel, défendez-moi !… — Êtes-vous un homme ?… Avez-vous une âme ou quelque sentiment ? — Dieu soit avec vous ! Reprenez-moi mon emploi !… Ô misérable niais, — qui as vécu pour voir ton honnêteté transformée en vice ! — Ô monde monstrueux ! Sois témoin, sois témoin, ô monde, — qu’il y a danger à être franc et honnête !… — Je vous remercie de la leçon, et, à l’avenir, — je n’aimerai plus un seul ami, puisque l’amitié provoque de telles offenses !

Il va pour se retirer.