Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.
319
SCÈNE IX.

IAGO.

Voilà une bonne fille !… Donne-le moi.

ÉMILIA.

— Qu’en voulez-vous faire, pour m’avoir si instamment pressée — de le dérober ?

IAGO, escamotant le mouchoir.

Eh bien, que vous importe ?

ÉMILIA.

— Si ce n’est pas pour quelque usage sérieux, rendez-le moi. — Pauvre dame ! Elle deviendra folle — quand elle ne le trouvera plus.

IAGO.

— Faites comme si vous ne saviez rien. J’ai l’emploi de ceci. — Allez ! Laissez-moi.

Emilia sort.

— Je veux perdre ce mouchoir chez Cassio, — et le lui faire trouver. Des babioles, légères comme l’air, — sont pour les jaloux des confirmations aussi fortes — que des preuves d’Écriture sainte : ceci peut faire quelque chose. — Le More change déjà sous l’influence de mon poison. — Les idées funestes sont, par leur nature, des poisons — qui d’abord font à peine sentir leur mauvais goût, — mais qui, dès qu’ils commencent à agir sur le sang, — brûlent comme des mines de soufre… Je ne me trompais pas. — Tenez, le voici qui vient ! Ni le pavot, ni la mandragore, — ni tous les sirops narcotiques du monde — ne te rendront jamais ce doux sommeil — que tu avais hier.

Entre Othello.
OTHELLO.

Ha ! ha ! fausse envers moi ! — Envers moi !

IAGO.

Allons ! qu’avez-vous, général ? Ne pensez plus à cela.