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SCÈNE III.

PREMIER SÉNATEUR.

— Mais parlez, Othello. — Est-ce par des moyens équivoques et violents — que vous avez dominé et empoisonné les affections de cette jeune fille ? — ou bien n’avez-vous réussi que par la persuasion et par ces loyales requêtes — qu’une âme soumet à une âme ?

OTHELLO.

Je vous en conjure, — envoyez chercher la dame au Sagittaire, — et faites-la parler de moi devant son père. — Si vous me trouvez coupable dans son récit, — que non seulement votre confiance et la charge que je tiens de vous — me soient retirées, mais que votre sentence — retombe sur ma vie même !

LE DOGE.

Qu’on envoie chercher Desdémona !

OTHELLO, à Iago.

— Enseigne, conduisez-les : vous connaissez le mieux l’endroit.

Iago et quelques officiers sortent.

— En attendant qu’elle vienne, je vais, aussi franchement que — je confesse au ciel les faiblesses de mon sang, — expliquer nettement à votre grave auditoire — comment j’ai obtenu l’amour de cette belle personne, — et comment elle, le mien.

LE DOGE.

— Parlez, Othello.

OTHELLO.

— Son père m’aimait ; il m’invitait souvent, — il me demandait l’histoire de ma vie, — année par année, les batailles, les siéges, les hasards — que j’avais traversés. — Je parcourus tout, depuis les jours de mon enfance — jusqu’au moment même où il m’avait prié de raconter. — Alors je parlai de chances désastreuses, — d’aventures émouvantes sur terre et sur mer, — de morts esquivées