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CYMBELINE.
— et les dieux sont plus miséricordieux encore. Si je dois faire acte de pénitence, — je ne puis mieux le faire que dans cette captivité, — plus volontaire que forcée… S’il faut que je m’acquitte — pour obtenir ma liberté, dieux, — contentez-vous de prendre tout mon être mortel. Je sais que vous êtes plus cléments que les vils créanciers humains — qui acceptent de leurs débiteurs un tiers, — un sixième, un dixième, et qui les laissent prospérer de nouveau — en leur faisant remise du reste… Ce n’est pas ce que je demande : — en échange de la chère vie d’Imogène, prenez la mienne ; bien — qu’elle ne la vaille pas, c’est encore une vie frappée à votre coin. — Entre hommes, on ne pèse pas toutes les monnaies ; — si légères qu’elles soient, on les accepte pour l’image : — vous m’accepterez, moi qui suis fait à la vôtre. Ah ! puissances célestes, — ne me refusez pas ce règlement, prenez ma vie, — et faites-moi quitte de ces froides entraves. Ô Imogène ! — je veux te parler en silence.
Il s’endort.
Musique solennelle. Entre, comme en une apparition, Sicilius Léonatus, père de Posthumus, vieillard vêtu comme un guerrier. Il conduit par la main sa femme, matrone âgée, la mère de Posthumus. La musique joue de nouveau. Arrivent alors les deux jeunes Léonati, frères de Posthumus, laissant voir les blessures dont ils sont morts à la guerre. Tous font cercle autour de Posthumus endormi.
SICILIUS.

Ô toi, maître du tonnerre, cesse d’exhaler
Ton dépit contre les essaims humains,
Emporte-toi contre Mars, querelle-toi avec Junon
Qui compte tes adultères
Et s’en venge.
Mon pauvre enfant n’a-t-il pas toujours fait le bien !
Et je ne l’ai jamais vu !
Je suis mort, tandis qu’il était dans le sein de sa mère,