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SCÈNE XXV.

plus loin sur des amis même — emportés par la première vague des fuyards ! Dix hommes, tout à l’heure chassés par un seul, — sont maintenant capables, chacun, d’en égorger vingt. — Ceux qui naguère seraient morts sans résister sont devenus — les vampires funèbres du champ de bataille !

LE SEIGNEUR.

Voilà d’étranges conjonctures : — cet étroit défilé ! ce vieillard ! ces deux enfants (10) !

POSTHUMUS.

— Allons ! pas tant d’étonnement ! Vous êtes plutôt fait — pour vous émerveiller des exploits des autres — que pour en accomplir vous-même. Voulez-vous rimer là-dessus, — et tourner la chose en épigramme ? En voici une :

Deux enfants, un vieillard en enfance, un chemin
Ont sauvé le Breton et perdu le Romain…

LE SEIGNEUR.

Là, ne vous fâchez pas !

POSTHUMUS.

Réclamation vaine !
Toi qui fuis l’ennemi, pourquoi te mettre en peine
D’un ami ? pour ta peur il sera sans pitié,
Et tu fuiras bientôt sa trop franche amitié.

— Vous m’avez mis en train de rimer.

LE SEIGNEUR.

Vous vous fâchez, adieu.

Il s’éloigne.
POSTHUMUS.

— Il se sauve encore !… Et c’est là un seigneur ! Oh ! la noble bassesse ! — Être sur le champ de bataille et m’en demander des nouvelles ! — Combien aujourd’hui auraient donné leurs honneurs — pour sauver leurs car-