Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
CYMBELINE.
gorge, que je lui ai tranché — la tête. Je vais la jeter dans le torrent, — derrière notre rocher, pour qu’elle aille à la mer — dire aux poissons qu’elle est la tête de Cloten, le fils de la reine. — C’est tout le cas que j’en fais.
Il s’éloigne.
BÉLARIUS.

Je crains des représailles. — Je voudrais, Polydore, que tu n’eusses pas fait cela, quoique — la valeur t’aille si bien !

ARVIRAGUS.

Je voudrais, moi, l’avoir fait, — dût la vengeance retomber sur moi seul ! Polydore, — je t’aime fraternellement, mais je t’envie — cet exploit que tu m’as volé. Je voudrais que toutes les représailles, — auxquelles la force humaine peut faire face, vinssent nous chercher jusqu’ici, — et nous demander des comptes !

BÉLARIUS.

Allons ! c’est chose faite. — Nous ne chasserons plus aujourd’hui : ne cherchons pas les dangers — inutiles. Retourne à notre rocher ; — toi et Fidèle, vous serez les cuisiniers ; moi, j’attendrai ici — que mon agile Polydore soit revenu, et je l’amènerai — dîner aussitôt.

ARVIRAGUS.

Pauvre Fidèle ! malade ! — je vais le revoir avec plaisir. Pour lui rendre ses couleurs, — je saignerais volontiers toute une paroisse de Clotens, — et je m’en louerais comme d’un acte de charité.

Il s’éloigne et disparaît dans la caverne.
BÉLARIUS.

Ô déesse ! — ô divine nature, comme tu te révèles dans ces deux princes enfants ! Ils sont doux — comme les zéphirs qui soufflent sous la violette, — sans même agiter sa corolle embaumée ; et pourtant, — dès que leur