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SCÈNE XV.
couteau ? — Tu es trop long à faire ce que t’a dit ton maître, — quand c’est aussi ce que je désire.
PISANIO.

Ô généreuse dame !… — Depuis que j’ai reçu l’ordre de faire cette chose, — je n’ai pas pu dormir un moment.

IMOGÈNE.

Fais donc et va au lit !

PISANIO.

— Il faudra que d’abord je m’aveugle d’insomnie !

IMOGÈNE.

Pourquoi alors — t’en es-tu chargé ? Pourquoi m’as-tu égarée — si loin avec un faux prétexte ? À quoi bon notre présence ici ? — À quoi bon ma fatigue et la tienne ? et la peine de nos chevaux ? — et l’occasion qui t’invite ? et cette perturbation jetée à la cour — par mon absence, à la cour où je ne songe même plus — à revenir ? Pourquoi as-tu tant fait, — si c’est pour détendre l’arc quand tu es à l’affût, — et que la biche élue est devant toi ?

PISANIO.

Je voulais gagner du temps — afin de me délivrer d’un si affreux emploi : pour cela, — j’ai imaginé un expédient. Chère dame, — écoutez-moi avec patience.

IMOGÈNE.

Parle à lasser ta langue, parle ; — je me suis entendu traiter de prostituée ; et mon oreille, — déchirée ainsi, ne peut pas avoir de blessure plus cruelle, — car il n’est pas de charpie pour panser celle-là ! — Parle donc.

PISANIO.

Eh bien, madame, — j’ai supposé que vous ne retourneriez plus à la cour.

IMOGÈNE.

Selon toute apparence, — puisque tu me menais ici pour me tuer.