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CYMBELINE.

distance il y a d’ici là. Si, pour de médiocres intérêts, un homme — peut s’y traîner en une semaine, pourquoi ne puis-je pas, moi, — y voler en un jour ? Allons fidèle Pisanio, — tu brûles comme moi de voir ton maître ; tu en brûles… — Oh ! n’exagérons rien !… pas comme moi ; mais tu en brûles, — quoique moins vivement que moi, car vois-tu, mon ardeur — excède l’excès ; eh bien, réponds, parle vite… — Un conseiller d’amour devrait toujours entasser les mots dans l’oreille — à y étouffer l’ouïe. Combien y a-t-il d’ici à ce bienheureux Milford ?… En route — tu me diras qui a valu au pays de Galles ce bonheur — de posséder un pareil port. Mais, d’abord — comment pouvons-nous nous sauver d’ici ? Et mon absence, — pendant l’intervalle entre notre départ — et notre retour, comment l’excuser ? Mais, avant tout comment sortir d’ici ? — Car pourquoi chercher déjà, pourquoi même inventer jamais une excuse ? Nous causerons de cela plus tard… Je t’en prie, parle, — combien de vingtaines de milles pouvons-nous bien faire à cheval — d’une heure à l’autre ?

PISANIO.

Une vingtaine entre deux soleils, — madame ; c’est assez pour vous, c’est même trop.

IMOGÈNE.

— Comment ! mon cher, un homme qui irait à son exécution — ne pourrait pas aller aussi lentement. J’ai entendu parler de courses faites sur paris, — où les chevaux étaient plus agiles que les grains de sable — qui se précipitent au fond de l’horloge ; mais ceci est une plaisanterie. — Va dire à ma femme de chambre de feindre une indisposition et de déclarer — qu’elle va retourner chez son père, et puis procure-moi — des vêtements de voyage, qui conviendraient, pour le prix, — à la ménagère d’un gentilhomme campagnard.