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CYMBELINE.
ou le mal certain — est irrémédiable, ou, s’il est connu à temps, — il peut être réparé. Découvrez-moi donc — ce secret que vous lancez et que vous retenez ainsi.
IACHIMO.

Supposez que j’eusse à moi cette joue — pour y tremper mes lèvres ; cette main dont le toucher, — dont le moindre contact arracherait à tout homme — le serment du plus loyal amour ; cet objet qui — captive mon regard effaré — et le tient fixé sur lui : si alors, misérable damné, — je couvrais de ma bave des lèvres aussi publiques que les degrés — qui montent au Capitole ; si je pressais de mes étreintes des mains — durcies par un mensonge, comme — par une fatigue de toutes les heures ; si enfin je fermais ma paupière sur des yeux — vils et ternes comme la lumière enfumée — qu’alimente un suif fétide, je mériterais, n’est-ce pas, — que tous les fléaux de l’enfer vinssent à la fois — punir une telle trahison.

IMOGÈNE.

Mon seigneur a, je le crains, — oublié la Bretagne.

IACHIMO.

Et lui-même. Ce n’est pas — spontanément que je vous révèle — l’infamie de son changement ; non ! c’est votre grâce — qui, du fond le plus muet de ma conscience, évoque — sur ma bouche cet aveu !

IMOGÈNE.

Ne m’en dites pas davantage.

IACHIMO.

— Ô chère âme ! Votre cause émeut mon cœur — d’une pitié qui me fait mal. Une femme — si belle, qui, liée à un empire, — grandirait du double le plus grand roi, être ainsi associée — à des baladines payées sur le revenu — de vos propres coffres ! à de malsaines aventurières — qui risquent toutes les infirmités contre l’or —