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SCÈNE IV.

POSTHUMUS.

Elle garde encore sa vertu, et, moi, mon sentiment.

IACHIMO.

Vous ne devez pas la mettre si fort au-dessus de nos femmes d’Italie.

POSTHUMUS.

Quand j’y serais provoqué ici comme en France, je ne rabattrais rien de mon jugement sur elle, dussé-je passer pour son adorateur plutôt que pour son ami.

IACHIMO.

Comparer une de vos femmes aux nôtres et la dire aussi sage et aussi belle, ce serait déjà trop beau pour une Bretonne. Si votre bien-aimée dépassait toutes les femmes que j’ai connues autant que ce diamant éclipse beaucoup de ceux que j’ai vus,

Il montre l’anneau que Posthumus porte à son doigt.

Je serais forcé, tout au plus, de la croire supérieure à un certain nombre de dames ; mais je n’ai pas vu le plus rare diamant, ni vous, la femme la plus rare.

POSTHUMUS.

Je l’ai louée autant que je l’estimais, comme je loue ce diamant.

IACHIMO.

Et ce diamant, combien l’estimez-vous ?

POSTHUMUS.

Plus que tous les biens de ce monde.

IACHIMO.

Ou votre incomparable est morte, ou la voilà évaluée au-dessous d’un colifichet.

POSTHUMUS.

Vous vous trompez : l’un peut être vendu ou donné, s’il existe assez de richesse pour le payer, ou de mérite pour l’obtenir. L’autre n’est pas un objet à vendre, mais uniquement le présent des dieux.