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SCÈNE III.

IMOGÈNE.

Tu n’aurais pas dû le quitter — des yeux, avant de l’avoir vu — aussi petit, plus petit même qu’un corbeau.

PISANIO.

C’est ce que j’ai fait, madame.

IMOGÈNE.

— Moi, j’aurais brisé, j’aurais fait éclater les fibres de mes yeux, rien — que pour le regarder, jusqu’à ce que diminué — par l’espace, il m’eût paru mince comme mon aiguille ; — oui, je l’aurais suivi du regard jusqu’à ce que, — de la petitesse d’un moucheron, il se fût évanoui dans l’air, et alors — j’aurais détourné la vue et pleuré… Mais, bon Pisanio, — quand aurons-nous de ses nouvelles ?

PISANIO.

Soyez-en sûre, madame, — à la première occasion.

IMOGÈNE.

— Quand je l’ai quitté, j’avais encore — une foule de jolies choses à lui dire. Avant que j’aie pu lui expliquer — comment je penserais à lui, à certaines heures, — et quelles seraient ces pensées ; avant que j’aie pu lui faire jurer — que les femmes d’Italie ne le rendraient pas traître — à mes droits et à son honneur ; avant que je lui aie recommandé — de s’unir à moi par la prière, à six heures du matin, à midi, à minuit, car alors — je suis au ciel pour lui ; avant que j’aie pu — lui donner le baiser d’adieu que je voulais placer — entre deux mots enchanteurs, est survenu mon père, — qui, pareil à l’ouragan tyrannique du Nord, — a tué toutes nos fleurs en bouton.

Entre une dame.
LA DAME.

La reine, madame, — désire la compagnie de votre altesse.