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SCÈNE III.
c’est par des contorsions pitoyables — qu’il représente ta Majesté. Et quand il parle, — il est comme un carillon en réparation ; ses expressions sont si forcées que, dans la bouche même de Typhon rugissant, — elles paraîtraient hyperboliques. À cette bouffonnerie rance, — le large Achille, s’étalant sur son lit pressé, rit à gorge déployée un bruyant applaudissement : — Excellent ! s’écrie-t-il, c’est juste Agamemnon ! — À présent, joue-moi Nestor ; fais hem et caresse ta barbe comme quand il se prépare à quelque harangue. — La chose une fois faite (et l’imitation et la réalité sont aussi voisines — que les deux bouts d’une parallèle, aussi semblables que Vulcain et sa femme !), — le bon Achille s’écrie toujours : Excellent ! — c’est exactement Nestor ! Maintenant, Patrocle, représente-le-moi — s’armant pour repousser une attaque de nuit. — Alors, ma foi, il faut que les faiblesses de l’âge — deviennent une scène comique ; Patrocle de tousser, de cracher — et de secouer en tremblant son hausse-col, — qu’il ne fait qu’accrocher et décrocher ! À ce spectacle, — notre Sire la Valeur se meurt ! Oh ! crie-t-il, assez, Patrocle, arrête, — ou donne-moi des côtes d’acier, — car ma rate désopillée — va rompre les miennes. C’est ainsi — que tous nos talents, nos qualités, nos caractères, nos tournures, — nos mérites pris en détail ou en général, — nos actes, nos stratagèmes, nos ordres, nos précautions, — nos harangues belliqueuses, ou nos plaidoyers pour la trêve, — nos succès ou nos revers, le vrai ou le faux, servent — de glose à ces deux hommes pour faire leurs paradoxes.
NESTOR.

— Et puis l’exemple de ces deux personnages — que, comme a dit Ulysse, l’opinion sacre — de son impérial suffrage, en pervertit bien d’autres. — Ajax est devenu égoïste, et porte la tête — aussi haut et dans une atti-