Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
TROYLUS ET CRESSIDA.
parente gaieté, — est comme une joie que la destinée change brusquement en tristesse. —
PANDARUS.

Allez ! si ses cheveux n’étaient pas un peu plus noirs que ceux d’Hélène, il n’y aurait pas de comparaison entre les deux femmes… Mais, vous savez, elle est ma parente, et je ne voudrais pas, comme on dit, la vanter… Mais j’aurais voulu que quelqu’un l’eût entendue, comme moi, causer hier. Je ne voudrais pas déprécier l’esprit de votre sœur Cassandre, mais…

TROYLUS.

— Oh ! Pandarus ! je te le demande, Pandarus ! — Quand je te dis que mes espérances sont noyées là, — ne me rappelle pas à quelle profondeur de l’abîme — elles sont englouties. Je te dis que je suis fou — d’amour pour Cressida : tu me réponds qu’elle est belle — Tu appliques à l’ulcère béant de mon cœur — ses yeux, ses cheveux, sa joue, son pas, sa voix ! — Tu remues de ta parole sa main, oh ! cette main — près de laquelle toutes les blancheurs sont une encre, — bonne à écrire leur infériorité ! cette main si douce — qu’à côté le duvet du cygne est rude, et le souffle de la moindre sensation âpre — comme la paume d’un laboureur ! Voilà ce que tu me dis, — (et ce que tu me dis est vrai) quand je te déclare que je l’aime. — Ah ! en me disant cela, au lieu d’huile et de baume, — tu enfonces dans toutes les plaies que m’a causées l’amour — le couteau qui les a faites ! —

PANDARUS.

Je ne dis que la vérité.

TROYLUS.

Tu ne la dis pas toute.

PANDARUS.

Sur ma parole, je ne veux plus m’en mêler. Qu’elle