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SCÈNE I.

TROYLUS.

N’ai-je pas attendu ?

PANDARUS.

Oui, la mouture ; mais il faut que vous attendiez le blutage.

TROYLUS.

N’ai-je pas attendu ?

PANDARUS.

Oui, le blutage ; mais il faut que vous attendiez la levure.

TROYLUS.

J’ai toujours attendu.

PANDARUS.

Oui, jusqu’à la levure ; mais tout n’est pas fini, il reste à pétrir la pâte, à faire le gâteau, à chauffer le four, et à cuire. Et encore, il faut que vous laissiez refroidir, ou vous risquez de vous brûler les lèvres.

TROYLUS.

— La Patience, toute déesse qu’elle est. — est moins pliée que moi à la résignation. — Quand je suis assis à la table royale de Priam, — et que la belle Cressida vient s’offrir à ma pensée… — Vient s’offrir, dis-tu, traître ! Quand donc en est-elle absente ?

PANDARUS.

Ma foi, elle m’a paru hier soir plus belle que jamais, plus belle que toute autre femme.

TROYLUS.

— Qu’est-ce donc que je voulais te dire ?… Quand mon cœur — était prêt à se fendre sous la cognée d’un soupir, — de peur qu’Hector ou mon père ne s’en aperçussent, — j’ai souvent, comme le soleil qui couvre de lumière un orage, — enseveli ce soupir dans la ride d’un sourire ; — mais le chagrin, qui se cache sous une ap-