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APPENDICE.

secret ; et sur ce, ils débarquèrent dans un petit village, à un mille de la cité où ils se reposèrent tout un jour. Pendant ce temps, la renommée de la beauté de Fawnia s’était déjà répandue dans toute la cité et était parvenue jusqu’aux oreilles de Pandosto. Celui-ci, malgré ses cinquante ans, avait encore les passions juvéniles, si bien qu’il désira grandement voir Fawnia ; et, pour y réussir plus sûrement, apprenant que les deux voyageurs n’avaient qu’un serviteur, il les fit arrêter comme espions. Dorastus, accompagné seulement de Fawnia et de Capnio (Porrus était resté pour garder les bagages), alla à la cour sans être aucunement effrayé. Pandosto, ébloui par la singulière perfection de Fawnia, resta si interdit qu’il oublia presque ce qu’il avait à faire : à la fin prenant un air sévère, il leur demanda leurs noms, et de quel pays ils étaient et pour quelle cause ils avaient débarqué en Bohême. — Seigneur, dit Dorastus, sachez que mon nom est Méléagrus, chevalier né et élevé en Pologne, et cette gentille femme, que j’entends épouser, est une Italienne née à Padoue, d’où je l’ai enlevée. Ses parents s’opposant au mariage, j’ai voulu l’emmener secrètement en Transpologne ; et c’est en m’y rendant que j’ai été jeté sur vos côtes par la tempête. — Méléagrus, répondit rudement Pandosto, je crains que tu ne caches une vilaine peau sous de belles couleurs. Cette dame est, par sa grâce et par sa beauté, plus digne d’un puissant prince que d’un simple chevalier, et tu me fais l’effet d’un traître qui l’a enlevée à ses parents, pour leur chagrin présent et pour leur désespoir futur. Conséquemment, jusqu’à ce que je sois mieux renseigné sur sa famille et sur ta condition, je vous retiendrai tous deux en Bohême. » Sur ce, Pandosto ordonna que Dorastus fût mis en prison jusqu’à nouvel ordre ; mais quant à Fawnia, il recommanda qu’elle fût traitée à la