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APPENDICE.

mort instantanée, se jeta à genoux et supplia le roi, au nom de l’amour qu’il avait pour son jeune fils Garinter, de vouloir bien envoyer six de ses nobles à l’île de Delphes, pour s’enquérir auprès de l’oracle d’Apollon si elle avait commis l’adultère avec Egistus ou tenté d’empoisonner le roi avec Franion ; — ajoutant que, si le dieu Apollon la déclarait coupable, elle se résignait d’avance à tous les tourments. La requête était si raisonnable que Pandosto ne pouvait la refuser sans honte… Il choisit donc six de ses nobles qu’il savait peu favorables à la reine et les envoya à Delphes. Ceux-ci y arrivèrent au bout de trois semaines ; à peine avaient-ils mis pied à terre qu’ils se rendirent au temple, et, là, ayant offert un sacrifice au dieu et des présents aux prêtres, implorèrent humblement une réponse à leur question. Ils ne furent pas plutôt à genoux devant l’autel, qu’Apollon dit à voix haute : « Bohémiens, prenez ce que vous trouverez derrière l’autel et partez. » Ayant obéi à l’oracle, ceux-ci trouvèrent un parchemin roulé où étaient écrits ces mots en lettres d’or :

L’ORACLE.

Soupçon n’est pas preuve ; jalousie n’est pas juge équitable ; Bellaria est chaste ; Égistus irréprochable ; Franion un sujet loyal ; Pandosto un traître, son enfant innocente ; et le roi vivra sans héritier, si celle qui est perdue n’est pas retrouvée.

Aussitôt qu’ils eurent pris le parchemin, le prêtre du dieu leur recommanda de s’abstenir de le lire avant d’être en présence de Pandosto, sous peine d’encourir le déplaisir d’Apollon. Les Bohémiens obéirent scrupuleusement, et, prenant congé du prêtre avec grand respect, regagnèrent leur navire et revinrent sains et saufs en