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PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

ayant été en partie surpris, d’avoir conseillé à ses complices de s’évader nuitamment pour assurer leur salut. Bellaria, se tenant comme prisonnière à la barre, et voyant que sa mort seule pouvait pacifier la fureur de son mari, s’enhardit jusqu’à demander justice, car elle ne pouvait espérer ni implorer pitié, et insista pour que les misérables parjures qui l’avaient calomniée auprès du roi fussent amenés devant elle pour donner leur témoignage. Mais Pandosto déclara que ses accusateurs étaient d’un tel crédit que leurs paroles étaient des preuves suffisantes, que d’ailleurs la brusque et secrète évasion d’Egistus et de Franion avait confirmé leur déposition, que, quant à elle, elle était dans son rôle en niant un crime si monstrueux, et qu’ayant perdu toute honte en commettant la faute, elle devait être assez impudente pour nier le fait ; mais que ses arguments de mauvais aloi n’étaient pas valables et qu’elle serait punie, comme sa bâtarde, d’une cruelle mort. Bellaria, nullement interdite par cette rude réponse, répliqua à Pandosto qu’il parlait en colère et non en conscience, car jamais la tache du soupçon n’avait souillé sa vertu. Si elle avait eu de si aimables prévenances pour Egistus, c’était parce qu’il était l’ami du roi, et nullement par une impure affection : donc, si elle était condamnée sans autre preuve, c’était rigueur et non loi. — Les seigneurs qui siégeaient au jugement dirent que Bellaria avait raison et supplièrent le roi de permettre que les accusateurs fussent examinés et assermentés publiquement. Le roi répondit immédiatement que dans ce procès il pouvait et voulait se dispenser de la loi, que les jurés devaient prendre sa parole comme une preuve suffisante et que, sinon, il ferait repentir le plus fier d’entre eux. Les seigneurs, voyant le roi en colère, restèrent tous cois ; mais Bellaria, craignant plus une infamie perpétuelle qu’une