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APPENDICE.

des paroles. » Le bon vieillard, oyant si courtoises offres, lui dit : « Monsieur, puisque si libéralement vous vous offrez à me faire plaisir, je prendrai la hardiesse de vous supplier d’une chose, sur tout l’amour que jamais vous portâtes à ma misérable fille : c’est que vous voulant prendre femme me fassiez cet honneur que de m’en avertir, et si je vous donne femme qui vous vienne à gré, que vous la preniez de moi comme de celui qui vous aime autant que si vous étiez sorti de mes entrailles. » Le comte, embrassant le bonhomme, lui dit : « Monsieur mon père, non-seulement je ne prendrai de ma vie femme sans votre conseil, mais celle seule sera mon épouse, laquelle par vous me sera donnée, et de ceci je vous engage ma foi, en prenant Dieu à témoin. » Lionato lui promit de le loger si bien qu’il n’aurait occasion de se plaindre de l’avoir choisi pour lui chercher une compagne.

Cependant que Timbrée fréquente familièrement avec Lionato, Fénicie devint grande et refaite, et fort gentille, ayant l’an 18 de son âge, n’était plus simple, ainsi que sont ordinairement les enfants, mais si sage que, le tout bien contemplé, encore ne l’eût-on pas reconnue de prime face pour cette Fénicie jadis accordée au comte de Colisan. Elle avait une sœur qui la suivait et approchait fort en beauté et en âge, comme celle qui avait atteint l’an 15 et s’appelait Blanchefleur. Lionato voyant ces deux fruits si mûrs délibéra de mettre fin à son entreprise, et dit un jour au comte : « Il est temps, Monsieur, que je vous délie de l’obligation à laquelle de votre grâce vous vous êtes astreint à moi, car je pense vous avoir trouvé une demoiselle pour épouse, autant belle, sage et gentille qu’il en soit en cette contrée, et de laquelle (à mon avis) vous serez content l’ayant vue. S’il vous plaît venir dimanche et mener avec vous le seigneur