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INTRODUCTION.

flotte, qui le transporta sain et sauf dans ses États.

La nouvelle de ce brusque départ redoubla la rage de Pandosto en confirmant ses soupçons. Immédiatement, il ordonna à ses gardes d’appréhender la reine et de l’enfermer dans un cachot jusqu’à nouvel ordre. Ce fut là, sur la paille humide, que Bellaria accoucha d’une jolie petite fille. Le roi de Bohême, ayant fait sur-le-champ ses calculs, trouva que cet accouchement coïncidait, dans les dates voulues, avec les assiduités d’Egistus ; il n’en fallut pas davantage pour qu’il déclarât la petite fille bâtarde ; et, sous prétexte de restituer au hasard l’enfant du hasard, il la fit enlever à sa mère et commanda qu’on l’abandonnât, dans une nacelle, à la merci des flots. Cependant, après l’exécution de cet arrêt inhumain, le roi, à la prière de sa fidèle noblesse, consentit à instruire le procès de la reine, et convoqua un jury de grands seigneurs aux assises publiques qu’il voulut présider lui-même. Sommée par ce tribunal de se justifier, Bellaria en appela à l’oracle de Delphes. Cette demande était trop raisonnable pour pouvoir être refusée. Pandosto envoya donc incontinent à Delphes une députation de six nobles Bohémiens. Après une rapide traversée de trois semaines, les ambassadeurs arrivèrent au temple d’Apollo et trouvèrent derrière l’autel un parchemin tout scellé, contenant la réponse du dieu. Dans ce parchemin, dont l’auteur nous révèle d’avance le contenu, il était écrit en lettres d’or que Bellaria était chaste, Egistus irréprochable, Franion un bon sujet et Pandosto un traître.

Le roi de Bohême avait une telle confiance dans l’oracle, qu’il avait assemblé ses pairs et ses communes pour en écouter la lecture solennelle. Quelle fut sa surprise quand, le sacré parchemin ayant été décacheté, il s’entendit déclarer traître par Apollo en personne ! Pan-