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SCÈNE XIV.
mon âme ! Oh ! elle avait cette attitude, — cette animation majestueuse, animation aussi pleine de chaleur alors, — qu’elle est glacée ici, quand pour la première fois je lui fis ma cour ! — Je suis interdit ! ne vous semble-t-il pas que cette pierre me reproche — d’avoir été plus pierre qu’elle ? Oh ! royal chef-d’œuvre ! — il y a dans ta majesté une magie qui — évoque toutes mes fautes dans ma mémoire et — enlève ses esprits à ta fille stupéfaite, — et pétrifiée autant que toi !
PERDITA, se mettant à genoux.

Laissez-moi faire, — et ne dites pas que c’est une superstition, si — je m’agenouille et si j’implore sa bénédiction… Madame ! — Reine chérie ! Vous qui avez fini la vie quand je la commençais à peine, — donnez-moi votre main à baiser !

PAULINE.

Oh ! patience ! — la statue est tout nouvellement fixée, et la couleur — n’est pas sèche.

CAMILLO, à Léonte.

Monseigneur, votre douleur est une plaie trop vive, — sur laquelle seize hivers ont vainement soufflé, — et que seize étés n’ont pu sécher : à peine est-il de joie — qui ait vécu si longtemps ; il n’est pas de douleur — qui ne se soit tuée bien plus tôt.

POLIXÈNE.

Mon cher frère, — permettez que celui qui fut cause de ceci ait le pouvoir — de diminuer votre chagrin de toute la part — qu’il y prend lui-même.

PAULINE.

En vérité, monseigneur, — si j’avais pensé que la vue de ma pauvre statue — (car elle est à moi), vous ferait cet effet, — je ne vous l’aurais pas montrée.

LÉONTE.

Ne tirez pas le rideau.