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LE CONTE D’HIVER.
suffirait pour que son esprit sanctifié — reprît possession de son corps et revînt, sur ce théâtre — où nous paraissons, nous autres coupables, me jeter ce cri d’une âme ulcérée : « Pourquoi fus-tu moins tendre pour moi ? »
PAULINE.

Si elle avait ce pouvoir, — elle aurait raison d’agir ainsi.

LÉONTE.

Elle l’aurait, et elle m’animerait — à tuer celle que j’aurais épousée.

PAULINE.

J’en ferais autant ; — si j’étais son ombre errante, je vous sommerais de considérer — la physionomie de cette femme et de me dire pour quel attrait grossier — vous l’auriez choisie ; alors je crierais si fort que vos oreilles même — en seraient déchirées ; et les mots qui suivraient — seraient : Souviens-toi de moi !

LÉONTE.

Ses yeux étaient des astres, de vrais astres, — et tous les autres ne sont que de vrais charbons éteints ! — Ne crains pas pour moi une autre femme ; — je n’en aurai plus, Pauline.

PAULINE.

Voulez-vous jurer — de ne jamais vous marier, si ce n’est de mon libre consentement ?

LÉONTE.

— Jamais, Pauline, je le jure sur le salut de mon âme !

PAULINE, aux courtisans.

— Ainsi, messeigneurs, soyez témoins de son serment.

CLÉOMÈNE.

— Vous l’engagez à une trop rude épreuve.