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LE CONTE D’HIVER.
ne pourrai cesser — d’y voir pour moi autant de flétrissures et de songer — au tort que je me suis fait à moi-même, — en laissant mon royaume sans héritier, et en — causant la mort de la plus suave compagne dont jamais homme — ait pu concevoir ses espérances !
PAULINE.

C’est vrai, trop vrai, monseigneur. — Quand vous épouseriez une à une toutes les filles du monde, — quand à chacune d’elles vous prendriez une beauté — pour en faire une femme parfaite, celle que vous avez tuée — serait encore incomparable,

LÉONTE.

Je le crois. Tuée ! — Celle que j’ai tuée ! Oui, j’ai fait cela, mais tu me frappes — cruellement de me le dire : ce reproche est aussi amer — dans ta bouche que dans ma pensée. À présent, sois bonne, — ne me dis cela que rarement.

CLÉOMÈNE.

Ne le dites jamais, madame. — Vous auriez pu dire mille choses — plus opportunes, et qui eussent fait — plus d’honneur à votre bonté !

PAULINE.

Vous êtes un de ceux — qui souhaitent de le voir remarié.

DION.

Si vous ne le souhaitez pas, — c’est que vous n’avez aucun respect pour l’État, ni pour le souvenir — de sa souveraine ; vous songez peu — aux dangers qui, si le roi ne laisse pas d’héritier, — peuvent fondre sur son royaume et dévorer — les générations indécises. Quoi de plus pieux — que de se réjouir de la béatitude où est désormais la feue reine ? — Quoi de plus pieux, pour raffermir la royauté, — pour rassurer le présent et sauver l’avenir, — que de faire ramener le bonheur