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LE CONTE D’HIVER.
maîtresse, que rien, je le vois, — ne peut séparer de vous, si ce n’est — votre ruine, dont les cieux nous préservent ! Là vous l’épouserez, — et, pendant votre absence, je tâcherai, par tous les efforts, — d’apaiser le mécontentement de votre père, — et de le ramener à la bienveillance.
FLORIZEL.

Comment, Camillo, — pourrais-tu faire cela ? Ce serait presque un miracle. — Parle, que je voie en toi plus qu’un homme, — et que je t’accorde à jamais ma confiance !

CAMILLO.

Avez-vous décidé — le lieu où vous vous dirigerez ?

FLORIZEL.

Pas encore. — Un incident imprévu étant coupable — de notre aventureux départ, nous nous considérons — comme les esclaves de la chance, comme des mouches — à tout vent qui souffle !

CAMILLO.

Alors écoutez-moi. — Si vous ne voulez pas renoncer à votre projet, — si vous êtes décidé à fuir, faites voile pour la Sicile. — Et là présentez-vous, présentez votre belle princesse, — (car je vois qu’elle le sera) au roi Léonte ; — elle sera vêtue comme il convient — à la compagne de votre lit. Il me semble voir déjà — Léonte vous recevant à bras ouverts, avec une cordialité — mouillée de larmes ; te demandant pardon à toi, le fils, — comme au père en personne ; baisant les mains — de votre jeune princesse ; partagé — entre ses duretés et sa tendresse ; chassant — les unes aux enfers, et faisant grandir l’autre — plus vite que le temps ou la pensée !

FLORIZEL.

Digne Camillo, — pour colorer ma visite, quel prétexte — lui donnerai-je ?