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LE CONTE D’HIVER.
comme tu l’appelles, mon frère, le roi converti ! La perte de son adorable reine et de ses enfants est une douleur toujours fraîche… Dis-moi, quand as-tu vu le prince Florizel, mon fils ? C’est un malheur non moins grand pour les rois de voir leurs enfants dégénérer, que de les perdre quand ils sont sûrs de leurs vertus.
CAMILLO.

Seigneur, il y a trois jours que je n’ai vu le prince. Quelles peuvent être ses occupations favorites, c’est pour moi chose inconnue ; mais j’ai remarqué avec regret que depuis quelques jours il s’absente beaucoup de la cour et qu’il est moins assidu que d’habitude à ses exercices princiers.

POLIXÈNE.

J’ai fait la même réflexion, Camillo, et je m’en inquiète, au point que j’ai à mon service des yeux qui veillent sur sa retraite. Et par eux j’ai appris qu’il est presque constamment chez un humble berger, un homme, dit-on, qui de rien, sans que ses voisins puissent s’imaginer comment, est parvenu à une fortune inexplicable.

CAMILLO.

J’ai entendu parler de cet homme-là, seigneur : il a une fille du plus rare mérite, et dont la réputation s’est étendue bien plus loin que ne pouvait le faire croire une renommée sortie d’une chaumière.

POLIXÈNE.

C’est aussi ce que me disent mes renseignements. Mais je crains l’hameçon qui attire là notre fils. Tu nous accompagneras sur les lieux : nous voulons, sans paraître ce que nous sommes, adresser quelques questions au berger. Je ne crois pas difficile de tirer de sa simplicité le secret des assiduités de mon fils. Je t’en prie, associe-