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SCÈNE IX.

SCÈNE IX.
[La Bohême. Dans le palais du roi.]
Entrent Polixène et Camillo.
POLIXÈNE.

Je t’en prie, bon Camillo, ne m’importune plus : c’est une souffrance pour moi de te refuser ; c’est ma mort de t’accorder ta demande.

CAMILLO.

Il y a quinze ans que je n’ai vu mon pays. Bien que j’aie, pendant la plus grande partie de ma vie, respiré l’air de l’étranger, c’est là que je désire laisser mes os. En outre, mon maître, le roi pénitent m’a envoyé chercher : je puis être de quelque soulagement aux chagrins qu’il éprouve, j’ose du moins le croire, et c’est pour moi un nouveau stimulant à partir.

POLIXÈNE.

Si tu m’aimes Camillo, n’efface pas tous tes services passés en me quittant maintenant. Le besoin que j’ai de toi, c’est ton propre mérite qui l’a créé. Mieux eût valu ne pas t’avoir que de te perdre ainsi. Ayant engagé des affaires que nul n’est en état de bien conduire sans toi, tu dois rester pour les terminer toi-même, si tu ne veux pas emporter avec toi tous les services que tu m’as rendus. J’en ai peut-être tenu trop peu de compte, car je ne saurais en tenir trop. T’en être plus reconnaissant sera désormais mon étude ; et le profit que j’y aurai, sera d’augmenter le trésor de nos sympathies. Quant à cette fatale contrée, la Sicile, je t’en prie, ne m’en parle plus. Son nom seul me fait mal en me rappelant ce pénitent,