Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/359

Cette page a été validée par deux contributeurs.
355
SCÈNE II.

CAMILLO.

Salut très-royal sire.

POLIXÈNE.

— Quelles nouvelles à la cour ?

CAMILLO.

Rien de remarquable, monseigneur.

POLIXÈNE.

— À voir la mine du roi, — on croirait qu’il a perdu quelque province, un domaine — qui lui était aussi cher que lui-même. Je viens à l’instant de l’aborder — avec le compliment d’usage ; aussitôt, — tournant les yeux d’un autre côté et faisant — une moue dédaigneuse, il s’enfuit de moi et — me laisse ainsi à deviner ce qui couve — sous ce changement de ses manières.

CAMILLO.

Je n’ose pas le savoir, monseigneur.

POLIXÈNE.

Comment ! vous n’osez pas ! Mais vous le savez, n’est-ce pas ? Et c’est pour moi que vous redoutez — d’être bien informé ! Voilà le sens de vos paroles : — car, pour vous-même, vous devez bien savoir ce que vous savez, — et vous ne pouvez pas dire que vous ne l’osez pas ! Bon Camillo, — le changement de vos traits est le miroir — qui me montre le changement des miens ; il faut bien — que je sois pour quelque chose dans cette altération, puisque je m’en trouve — moi-même si altéré.

CAMILLO.

Il est un mal — qui a jeté le désordre dans quelqu’un d’entre nous ; mais — je ne puis nommer la maladie, elle a été attrapée — de vous qui pourtant vous portez bien.

POLIXÈNE.

Comment ! attrapée de moi ! — Ah ! ne m’attribuez pas le regard du basilic ; — mes yeux se sont fixés sur