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LE CONTE D’HIVER.
hême — et à la reine le visage le plus serein — que l’amitié puisse apporter à ses fêtes… — Je suis son échanson ; — s’il reçoit de ma main un breuvage salutaire, — ne me comptez plus votre serviteur.
LÉONTE.

Il suffit. — Fais cela, et tu as la moitié de mon cœur ; — ne le fais pas, et tu t’arraches le tien.

CAMILLO.

Je le ferai, monseigneur.

LÉONTE.

— Je vais avoir l’air amical, ainsi que tu me l’as conseillé.

Il sort.
CAMILLO.

— Ô misérable reine !… Mais moi, — dans quelle position suis-je ? Il faut que j’empoisonne — ce bon Polixène ; et ma raison d’agir ainsi, — c’est l’obéissance à un maître qui, — rebelle à lui-même, veut que — tous ceux qui lui appartiennent le soient également… À faire cela, — il y a de l’avancement à gagner. Ah ! quand je pourrais trouver — mille exemples de gens qui ont frappé l’oint du Seigneur — et prospéré ensuite, je ne le ferais pas ; mais puisque — ni le cuivre ni la pierre ni le parchemin ne portent trace d’une action pareille, — que la scélératesse elle-même la repousse ! Il faut — que je quitte la cour ; la chose faite ou non, est certainement — pour moi un casse-cou. Étoile propice, voici le moment de régner !… — Le roi de Bohême !

Entre Polixène.
POLIXÈNE.

C’est étrange ! Il me semble — que ma faveur commence à chanceler ici. Ne pas me parler !… — Bonjour, Camillo.