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LE CONTE D’HIVER.

CAMILLO.

Vous payez de trop de frais ce qu’on vous donne sans façon.

ARCHIDAMUS.

Croyez-moi, je ne dis que ce que mes renseignements me suggèrent et ce que mon honnêteté me dicte.

CAMILLO.

Sicile ne peut se montrer trop affable pour Bohême. Les deux rois ont été élevés ensemble dans leur enfance ; et il y a entre eux une affection si bien enracinée qu’elle ne peut que jeter des branches. Depuis que leurs majestés plus mûres et les nécessités royales ont séparé leur société, leurs rapports, quoique non personnels, se sont continués royalement, par procuration, en échange de cadeaux, de lettres et d’affectueuses ambassades ; au point que, bien qu’absents, ils semblaient être ensemble. Ils se serraient la main comme par-dessus l’abîme, et s’embrassaient, pour ainsi dire, des deux bouts opposés du vent. Que le ciel prolonge leur affection !

ARCHIDAMUS.

Je crois qu’il n’est pas au monde de malice ni d’incident qui puisse l’altérer. C’est pour vous une inexprimable joie que votre jeune prince Mamilius ; il n’est pas à ma connaissance de gentilhomme qui promette davantage.

CAMILLO.

Je partage entièrement vos espérances à son égard. C’est un galant enfant, un prince qui, vraiment, réconforte ses sujets et rafraîchit les vieux cœurs ; ceux qui allaient sur des béquilles avant qu’il fût né, désirent vivre encore pour le voir un homme.

ARCHIDAMUS.

Autrement, ils seraient donc contents de mourir ?