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SCÈNE IV.

BORACHIO.

C’est à vous de composer le poison. Allez trouver le prince votre frère ; n’hésitez pas à lui dire qu’il a compromis son honneur en mariant l’illustre Claudio, que vous vanterez hautement, à une catin tarée comme Héro.

DON JUAN.

Quelle preuve donnerai-je de cela ?

BORACHIO.

Une preuve suffisante pour abuser le prince, torturer Claudio, perdre Héro et tuer Léonato ! Vous faut-il un autre résultat ?

DON JUAN.

Rien que pour les dépiter, je tenterais n’importe quoi.

BORACHIO.

Marchez donc ! Trouvez-moi un bon moment pour prendre à part don Pedro et le comte Claudio. Dites-leur que vous êtes sûr que je suis aimé d’Héro. Affectez une sorte de zèle et pour le prince et pour Claudio ; prétendez que, si vous avez fait une pareille révélation, c’est que vous étiez inquiet pour l’honneur de votre frère, auteur de cette alliance, et pour la réputation de son ami, ainsi exposé à être dupé par une fausse vertu. Ils auront peine à vous croire sans preuve convaincante. Comme présomption, offrez-leur de venir me voir à la fenêtre de la belle. Là ils m’entendront appeler Marguerite Héro, et ils entendront Marguerite m’appeler Borachio. Amenez-les voir ça, la nuit même qui précédera la noce projetée. D’ici là je ferai en sorte qu’Héro s’absente ; et la preuve de sa déloyauté paraîtra si concluante que le soupçon passera pour certitude, et que tous leurs projets seront renversés.

DON JUAN.

Advienne que pourra, je veux exécuter ton idée. Mets en œuvre toutes tes ruses, et il y a mille ducats pour toi.