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SCÈNE IX.
l’âme d’un État une force mystérieuse dont l’histoire — n’a jamais osé s’occuper, et dont l’opération surhumaine — est inexprimable à la parole ou à la plume. — Tous les rapports que vous avez eus avec Troie — nous sont aussi parfaitement familiers qu’à vous-même, monseigneur. — Et il siérait bien mieux à Achille — de venir à bout d’Hector que de Polixène. — Quelle douleur aura le jeune Pyrrhus, au pays natal, — quand la renommée sonnera sa fanfare dans nos îles, — et que toutes les filles grecques chanteront en dansant :

De la sœur d’Hector, soit ! Achille est le vainqueur ;
Mais c’est le grand Ajax qui frappe Hector au cœur !

— Adieu, Monseigneur ; je vous parle en ami ; — un fou glisse sur la glace que vous devriez rompre.

Il sort.
PATROCLE.

— Je vous ai souvent conseillé dans ce sens, Achille. Une femme devenue impudente et masculine — n’est pas plus honnie qu’un homme efféminé — dans un temps d’action. C’est moi qu’on accuse de tout ceci. On s’imagine que c’est mon peu de goût pour la guerre — et votre grande affection pour moi qui vous retiennent ainsi. — Cher, redressez-vous ; et le faible et voluptueux Cupidon — détachera de votre cou son amoureux collier, et comme une goutte d’eau secouée de la crinière du lion, — disparaîtra dans l’air impalpable.

ACHILLE.

Est-ce qu’Ajax se battra avec Hector ?

PATROCLE.

— Oui, et, peut-être, en recueillera-t-il grand honneur.

ACHILLE.

— Je le vois, ma réputation est en péril ; — ma gloire est frappée au vif.