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SCÈNE VIII.

PANDARUS.

— Promenez-vous ici dans le jardin ; je vais l’amener tout de suite.

Sort Pandarus.
TROYLUS.

Je suis tout étourdi. L’attente me donne le vertige. — La jouissance imaginaire est si douce — qu’elle enchante mes sens. Que sera-ce, — quand le palais humide goûtera réellement — le nectar tant vanté de l’amour ? Ce sera la mort, je le crains, — ce sera l’anéantissement dans la pâmoison ; ce sera une joie trop exquise, — trop puissamment subtile, trop délicatement suave, — pour la capacité de mes impressions grossières ! — Voilà ce que je crains ; et je crains aussi — que tous mes sens ne soient troublés par tant de bonheur, — comme dans une bataille où les vainqueurs chargent pêle-mêle — l’ennemi en fuite.

Pandarus revient.
PANDARUS.

Elle s’apprête, elle va venir sur-le-champ ; c’est maintenant qu’il faut montrer votre présence d’esprit. Elle rougit tant, elle a l’haleine si entrecoupée qu’on la croirait effrayée par un spectre. Je vais la chercher. C’est bien la plus jolie vilaine ! Elle a la respiration aussi courte qu’un moineau qu’on vient de prendre.

Sort Pandarus.
TROYLUS.

— La même émotion étreint justement ma poitrine. — Mon cœur bat plus vite qu’un pouls fébrile, — et tout mon être perd ses facultés, — comme le vassal rencontrant brusquement — le regard royal. —