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soumises à une sorte d’équilibre moral qui donne toujours le redressement pour contre-poids à l’infraction. Ce redressement peut avoir diverses formes : il peut se faire avec un fleuret démoucheté, comme dans Hamlet, avec une épée, comme dans Macbeth, avec du poison, comme dans le Roi Jean. Il peut s’appeler le duel, le combat, le meurtre : il peut sembler une vengeance, il est toujours la justice.

Voulez-vous voir à quel point l’implacable équité préoccupe Shakespeare ? Lisez attentivement les trois pièces que j’ai traduites plus loin, en les comparant aux récits des chroniqueurs. Tout en respectant scrupuleusement les faits, tels que l’histoire les lui présentait, le poëte s’est réservé le droit de les expliquer, de les diriger et de les grouper. Eh bien, vous le remarquerez, c’est au grand principe de l’expiation qu’il a soumis partout la marche du drame.

Aussitôt que le crime est commis, Shakespeare n’a plus qu’une idée : le châtiment. Pour arriver plus vite à ce but suprême, voyez comme l’auteur précipite les événements. Peu lui importe que, selon les chroniques, Macbeth ait régné quinze ans ; peu lui importe qu’il ait fait un pèlerinage à Rome ; Shakespeare n’a pas la patience de l’histoire. Macbeth a usurpé, donc il doit être détrôné. Macbeth a régné par l’épée, donc il périra par l’épée. En avant, vieux Siward ! En avant, thanes d’Écosse ! En avant, Menteith, Cathness, Angus, Lenox ! En avant, Macduff ! Malcolm, en avant !

Les annales ont beau dire que le roi Jean a régné dix-huit ans ; elles ont beau dire qu’il a, pendant six ans, tenu tête à l’Église ; elles ont beau dire qu’il a octroyé la grande Charte. Qu’est-ce que cela fait à Shakespeare ? Jean a assassiné Arthur. — Moine, prépare le poison.

Que murmure encore l’histoire ? que Richard de Glo-