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dans leur prison de pauvres petits qui dorment ! c’était aller trop loin. Buckingham se sentit dépassé. Et puis le roi venait de lui refuser le beau comté de Hereford qui lui avait été solennellement promis. Ce refus fut pour le duc la raison décisive. Furieux, il se retira dans le pays de Galles, et, de concert avec Morton, prépara un soulèvement en faveur d’un certain comte de Richmond, descendant de Jean de Gand. Le mouvement avorta. Les bandes galloises qui avaient suivi le duc furent arrêtées, pendant dix jours, par des pluies continuelles, sur les bords de la Severn, et finirent par déserter faute de vivres. Abandonné de ses soldats, Buckingham fut trahi par un de ses gens, vendu à Richard, et exécuté à Salisbury le 2 novembre.

La répression terrible de cette révolte parut consolider le gouvernement, de Richard III. Comme Macbeth après la destruction du château de Fife, comme le roi Jean après l’incendie de Dieppe, Richard croit désormais son empire assuré. Le parlement reconnaît définitivement la dynastie fondée par l’usurpateur, et attribue à ses descendants la possession héréditaire de la couronne par un sénatus-consulte du 24 janvier 1484. Le peuple accepte, tout au moins par le silence, le régime nouveau ; les hommes d’ordre font plus que l’accepter, ils le louent : ils proclament hautement les mérites d’un prince si longtemps méconnu. Quand il n’était qu’altesse, tous trouvaient Richard ridicule, difforme, incapable, impossible ! Aujourd’hui qu’il est passé majesté, tous le déclarent habile, imposant et presque beau. Il n’y a que des adversaires systématiques qui puissent contester cela ! Que parlent-ils de serment violé, de droit méconnu, de gens massacrés ? Richard n’est-il pas le fils de ce grand duc d’York qui remporta tant de victoires sur l’étranger ? N’est-il pas lui-même l’élu de la nation ?