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dans le peuple, qui restait toujours comme pétrifié. Alors le duc dit à voix basse au maire : « Voilà un silence étrangement obstiné ; » puis, se retournant vers le peuple : « Chers amis, s’écria-t-il, nous venons vous soumettre une question sur laquelle nous n’avions peut-être pas grand besoin de vous consulter. Les lords et les autres communes de ce royaume auraient suffi pour la résoudre ; mais telle est l’affection, telle est la sollicitude que nous avons pour vous, que nous n’aurions pas pris sans déplaisir une décision qui intéresse votre fortune et votre honneur. Jusqu’ici vous n’avez pas paru comprendre ni apprécier notre demande : nous vous prions donc de nous répondre, oui ou non, si c’est votre intention, comme c’est celle de tous les nobles de ce royaume, que le noble prince, aujourd’hui protecteur, soit votre roi ? » À ces mots, les gens du peuple commencèrent à chuchoter entre eux, de telle sorte que leurs voix, n’étant ni basses ni hautes, ressemblaient à celles d’un essaim d’abeilles. À la fin cependant, les serviteurs du duc firent entendre un bourdonnement à l’extrémité inférieure de la salle, puis un certain Nashfield et d’autres appartenant au Protecteur, joints à quelques apprentis et à quelques gamins qui s’étaient fourrés dans la salle au milieu de la foule, se mirent brusquement à crier au dos des gens aussi fort qu’ils purent : Vive le roi Richard ! vive le roi Richard ! et en même temps jetèrent leurs bonnets en l’air en signe de joie ; quant à ceux qui se tenaient devant, tout étonnés de cette démonstration, ils retournèrent la tête, mais sans rien dire.

» Quand le duc et le maire virent l’affaire, ils la firent habilement servir à leurs desseins et déclarèrent que, tous ayant répondu d’une voix unanime, sans qu’aucun eût dit non, il était impossible d’entendre une acclamation plus magnifique et plus réjouissante. « Amis, dit le