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MACBETH, LE ROI JEAN ET RICHARD III.

ARTHUR.

— Sa querelle est celle du mensonge et de l’impiété !

HUBERT.

— Que le blâme retombe sur celui à qui il est dû !

ARTHUR.

— Eh bien ! que ce soit sur toi, si tu conclus — cette inique sentence par une si infâme action.

HUBERT.

— Aucune exécution ne pourra désormais être légitime, — si l’arrêt du juge doit être ainsi mis en doute.

ARTHUR.

— Aucune ne pourra l’être sans que, selon les formes d’un procès régulier, — le coupable ait été convaincu d’un crime.

HUBERT.

— Monseigneur, monseigneur, ces longues remontrances — augmentent ma douleur plus qu’elles ne servent votre cause. — Car je sais, et j’agirai dans cette conviction, — que les sujets vivent soumis aux ordres des rois. — Je ne dois pas discuter pourquoi il est votre ennemi, — mais je dois obéir quand il commande.

ARTHUR.

— Obéis donc, et que ton âme soit responsable — de l’injuste persécution que je subis. — Vous, yeux roulants dont je puis encore mesurer la superficie — avec le regard que la nature m’a prêté, — faites jaillir la terreur de vos sourcils froncés — pour punir les assassins — qui me privent de votre vue limpide. — Que l’enfer soit pour eux aussi sombre que la tombe qu’ils me souhaitent, — et qu’il soit l’horrible bénéfice de leur crime ! — Que les noirs tourmenteurs du profond Tartare — leur reprochent ce forfait damné, — en infligeant à leurs âmes mille tortures variées ! — Plus de délai, Hubert, mes oraisons sont terminées : — c’est toi que je prie maintenant, arrache-moi la vue ; — mais pour achever la tragédie, — conclus le dénoûment par un coup de poignard. — Adieu, Constance ! Bourreau, approche ! — Fais de ma mort une fête pour le tyran !

HUBERT.

— Je faiblis, j’ai peur, ma conscience m’ordonne de me désister. — Que parlé-je de faiblesse et de peur ? — Mon roi commande, et cet ordre me dégage ; — mais Dieu défend et c’est lui qui commande aux rois. — Ce grand commandeur me donne un contre-ordre, — il arrête ma main, il attendrit mon cœur. — Arrière, instruments maudits ! Vous êtes dispensés de votre office. — Rassure-toi, jeune seigneur tu garderas tes yeux, — quand je devrais les payer de ma vie. — Je vais trouver le roi, et lui dire que sa volonté est faite, — et que tu es mort. Viens avec moi. Hubert n’était pas né — pour aveugler ces lampes que la nature fait luire ainsi.