la scène parallèle qui se trouve dans le Roi Jean anonyme. Pour que le lecteur puisse faire lui-même cette étude féconde, je traduis l’extrait suivant de la pièce imprimée en 1591 :
Merci, Hubert, de ton attention pour moi, — à qui l’emprisonnement est encore chose si nouvelle. — La promenade ici n’a pas pour moi de grandes jouissances ; — pourtant j’accepte ton offre avec reconnaissance, — et je ne veux pas du moins perdre le plaisir des yeux. — Mais, dis-moi, si tu le peux, courtois geôlier, combien — de temps le roi m’enfermera-t-il ici ?
— Je ne sais pas, prince, — je suppose que ce ne sera pas longtemps. — Que Dieu vous envoie la liberté et que Dieu sauve le roi !
— Eh bien ! qu’y a-t-il, messieurs ? Que signifie cet outrage ? — Oh ! à l’aide, Hubert ! gentil gardien, à l’aide ! — Que Dieu me délivre de la brusque attaque de ces mutins ! — Ne laissez pas tuer un pauvre innocent !
— Retirez-vous, messieurs, et laissez-moi faire.
— Allons, Arthur, résigne-toi ; la mort menace ta tête. — Que signifie ceci, Hubert ? Expliquez-moi l’affaire.
— Patience, jeune seigneur. Écoutez des paroles de malheur, — funestes, brutales, infernales, horribles à entendre : — effrayant récit, bon pour la langue d’une furie ! — Je n’ai pas la force de le faire, chaque mot en est pour moi une douleur profonde.
— Quoi ! dois-je mourir ?
— Ce n’est pas la mort que j’ai à vous annoncer, c’est quelque chose de plus hideux, — la sentence de la haine, la plus malheureuse destinée : — la mort serait un mets exquis dans un si cruel festin. — Soyez sourd, n’entendez pas ; c’est un enfer pour moi d’achever.
— Hélas ! tu blesses ma jeunesse par tes inquiétantes paroles ; — c’est une horreur, c’est un enfer pour moi de ne pas tout savoir. — De quoi s’agit-il, l’ami ? Si la chose doit être faite, — fais-la, et termine-la vite, pour que je cesse de souffrir.