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reine et par ses parents qui, se méfiant toujours de la famille du roi, jappaient sourdement contre elle ? ou bien était-il vrai que le duc était désireux de régner après son frère ? La certitude s’est toujours dérobée aux recherches sérieuses des hommes qui se sont adressés sur ce sujet à de grands personnages de cette époque ; et jamais elle n’a pu être découverte que par des conjectures qui trompent l’imagination du rêveur aussi fréquemment qu’elles lui révèlent la vérité en conclusion. Le bruit courait que le roi ou la reine, ou tous les deux, avaient été vivement troublés par une prophétie absurde, et que c’est pour cela qu’ils commencèrent à s’irriter et à maugréer cruellement contre le duc : la prédiction était à cet effet qu’après le roi Édouard régnerait un prince dont le nom commencerait par un G ; et, comme c’est l’habitude du diable d’envelopper et d’embarrasser dans de tels sortilèges les esprits des hommes qui se plaisent à ces fantaisies diaboliques, on ne manqua pas de dire plus tard que cette prophétie eut son plein effet quand le roi Richard Glocester usurpa la couronne.

» D’autres allèguent, pour cause de la mort de Clarence, que, la vieille rancune entre lui et le roi ayant été nouvellement ranimée (et la haine n’est jamais plus violente qu’entre deux frères une fois qu’elle est bien enracinée), le duc, qui n’était pas encore marié, essaya, par l’entremise de sa sœur Madame Marguerite, duchesse de Bourgogne, d’obtenir pour femme Madame Marie, fille et héritière du duc Charles, et que ce mariage fut blâmé et rompu par le roi Édouard, jaloux du bonheur de son frère. Cette dissension intime fut apparemment conciliée, mais non intérieurement oubliée, ni même extérieurement pardonnée ; car, nonobstant ce raccommodement, un domestique du duc de Clarence fut, à tort ou à raison, brusquement accusé par les ennemis du duc, d’empoi-