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RICHARD III.
Vos titres, nouvellement frappés, ont à peine cours. — Oh ! qu’un jour votre jeune noblesse sache — ce que c’est que de les avoir perdus et d’être misérable ! — Ceux qui sont placés haut sont secoués par maints coups de vent, — et, s’ils tombent, ils se brisent en pièces.
RICHARD.

— Bonne leçon, morbleu ! Retenez-la, retenez-la, marquis.

DORSET.

— Elle vous touche, milord, autant que moi.

RICHARD.

— Certes, et beaucoup plus. Mais je suis né si haut — que mon aire, bâtie sur la cime du cèdre, — joue avec l’ouragan et brave le soleil.

MARGUERITE.

— Et jette le soleil dans l’ombre ! Hélas ! hélas ! — témoin mon fils, plongé maintenant dans l’ombre de la mort ! — mon fils dont ta nébuleuse colère a étouffé les resplendissants rayons — dans d’éternelles ténèbres. — Votre aire est construite dans notre nid. — Ô Dieu, qui vois cela, ne le souffre pas. — Conquise par le sang, qu’elle soit perdue de même !

BUCKINGHAM.

— Silence ! silence ! par pudeur, sinon par charité !

MARGUERITE.

— N’invoquez près de moi ni la charité, ni la pudeur. — Vous avez agi avec moi sans charité, — et vous vous êtes faits sans pudeur les bouchers de mes espérances. — La charité qu’on me fait n’est qu’outrage ; mon existence que honte. — Ah ! que du moins cette honte fasse vivre éternellement la rage de ma douleur !

BUCKINGHAM.

— Finissez ! Finissez !