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SCÈNE III.
l’Église notre mère profère sa malédiction, — malédiction maternelle, sur son fils révolté ! — France, tu pourrais tenir un serpent par la langue, — un lion furieux par sa griffe meurtrière, — un tigre à jeun par les dents : — ce serait plus sûr que de serrer pacifiquement la main que tu tiens.
PHILIPPE.

— Je puis dégager ma main, mais non mon honneur.

PANDOLPHE.

— Tu fais ainsi de l’honneur l’ennemi de l’honneur ; — tu mets en guerre civile serment contre serment, — ta parole contre ta parole. Oh ! tiens d’abord — envers le ciel le vœu que tu as fait au ciel, — d’être le champion de notre Église. — Ce que tu as juré depuis, tu l’as juré contre toi-même, — et tu ne peux toi-même l’accomplir. — Car c’est un tort de faire loyalement — ce que tu as juré à tort ; — et c’est faire loyalement que de ne pas faire — ce qui dans l’exécution tend au mal. — Le meilleur acte de l’erreur, — c’est d’errer de nouveau : tout en déviant, — la déviation ramène au droit chemin ; — le mensonge guérit le mensonge, de même que l’inflammation refroidit l’inflammation — dans les veines brûlantes de celui qu’on cautérise. — C’est la religion qui oblige à tenir les vœux, — mais tu as juré contre la religion. — Ainsi, tu as juré contre ce que tu avais juré ; — tu as, en garantie de ta foi, opposé un serment — à un serment. Or, un serment fait — sans conviction n’est plus un serment quand il est un parjure ; — autrement quelle dérision ce serait de jurer ! — Par ton nouveau serment, tu te rends parjure, — et d’autant plus parjure si tu le tiens. — Ainsi, ton dernier vœu, opposé au premier, — est une rébellion de toi-même contre toi-même ; — et tu ne peux pas remporter une plus belle victoire — qu’en armant tout ce qu’il y a en toi de noble constance