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SCÈNE I.
mais, morbleu, disons-le franchement, — était-il capable de me faire ? Sir Robert ne l’était pas ! — Nous connaissons de sa fabrique… Ainsi, bonne mère, — à qui suis-je redevable de ces membres ? — Sir Robert n’a jamais contribué à faire cette jambe-ci.
LADY FAULCONBRIDGE.

— T’es-tu donc, toi aussi, ligué avec ton frère, — toi qui, dans ton propre intérêt, devrais défendre mon honneur ? — Que signifie cette raillerie, effronté manant ?

LE BÂTARD.

— Dites chevalier ! chevalier, bonne mère ! comme messire Basilisco (27) ! — Oui-dà, je viens d’être armé chevalier ; je le sens encore à mon épaule. — Mais, ma mère, je ne suis pas le fils de sir Robert ; — j’ai répudié sir Robert et ma succession : — légitimité, nom, tout est parti. — Ainsi, ma bonne mère, faites-moi connaître mon père : — c’est quelque homme convenable, j’espère : qui l’a été, ma mère ?

LADY FAULCONBRIDGE.

— As-tu donc renié les Faulconbridge ?

LE BÂTARD.

— Aussi loyalement que je renie le diable.

LADY FAULCONBRIDGE.

— Le roi Richard Cœur de Lion fut ton père : — séduite par une longue et véhémente poursuite, — je lui fis place dans le lit de mon mari : — puisse le ciel ne pas mettre cette transgression à ma charge ? — Tu es issu de cette chère faute, — où je fus entraînée par une force au-dessus de la mienne.

LE BÂTARD.

— Eh bien, par cette lumière, madame, si j’étais encore à naître, — je ne souhaiterais pas un meilleur père. — Certains péchés sont privilégiés sur la terre, — et le vôtre est du nombre. Votre faute n’a point été folie.