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du feu dans la bouche, une queue à sa culotte, des yeux comme une cuve, des crocs comme un chien, des griffes comme un ours, une peau comme un nègre, une voix rugissante comme un lion, que nous tressaillons quand nous entendons crier Boh ! Elles nous ont tant fait peur des taureaux mendiants, des esprits, des sorcières, des hérissons, des lutins, des stryges, des fées, des satyres, des pans, des faunes, des sylvains, des tritons, des centaures, des nains, des géants, des gnomes, des farfadets, des enchanteurs, des nymphes, des enfants volés, des incubes, de Robin Bonenfant, de l’homme dans le chêne, des revenants, des feux follets, de Tom-Pouce, d’Hobgoblin, de l’homme sans os et autres épouvantails, que nous sommes effrayés de notre ombre. Beaucoup n’ont peur d’un diable que par une nuit noire, et alors un mouton tondu devient une bête périlleuse et est pris bien des fois pour l’âme de notre père, surtout s’il est attaché dans un cimetière ; là l’homme le plus hardi du monde ne passerait pas la nuit sans que les cheveux lui dressassent sur la tête[1]. » À ce manifeste du plus audacieux scepticisme, devinez qui répondit ?

Ce fut le roi d’Écosse, sa majesté Jacques VI, en personne. Depuis la révélation d’Agnès Sympsone et de ses complices, le fils de Marie Stuart avait vécu dans des transes continuelles. Persuadé que le démon en voulait particulièrement à sa vie et que les dangers qu’il avait courus à l’époque de son mariage étaient l’effet d’un complot infernal, il ne put lire sans indignation un ouvrage d’où ressortait l’innocence des condamnés et qui présentait Dieu lui-même comme l’auteur véritable de tempêtes complétement subversives. Jacques ne pouvait laisser passer sans réfutation d’aussi inqualifiables

  1. Discoverie of Witchcraft (1584).