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est pour elle l’état d’action, et elle y trouve amoncelée la réserve de tous les événements qui font la variété de l’éternel univers. La mort est une porte sinistre et ténébreuse qui mène aux îles azurées, aux nuées vermeilles, aux heureuses régions de l’impérissable espoir. Ainsi, avance sans crainte, ô Esprit ! Bien que la tempête ait brisé la primevère sur sa tige, bien que la gelée flétrisse la fraîcheur de ses pétales, l’haleine vivifiante du printemps doit de nouveau caresser la terre et nourrir de ses plus douces rosées sa fleur favorite qui s’épanouit dans les bancs de mousse et dans les vallons sombres, éclairant le hallier de son radieux sourire.

Ne redoute pas, Esprit, le bras ravisseur de la mort !… Ce n’est que le voyage d’une heure crépusculaire, la léthargie transitoire d’un sommeil interrompu ! La mort n’est pas l’ennemie de la vertu. La terre a vu les plus belles roses de l’amour s’épanouir sur l’échafaud, mêlées aux lauriers inflétris de la liberté, et attester l’évidence du bonheur rêvé. N’y avait-il pas en toi des pressentiments qu’a confirmés ce spectacle de l’existence successive et graduelle ? L’attente d’un autre avenir ne faisait-elle pas palpiter ton cœur, alors que, te promenant par le clair de lune aux bras de Henri, tristement et doucement tu causais avec lui de la mort ? Ah ! voudrais-tu donc arracher de ton sein ces espérances, pour écouter lâchement les prédications d’un bigot, et te prosterner servilement sous le fouet tyrannique dont les courroies de fer sont rouges de sang humain ?

» Jamais ! Reste inflexible, Esprit ! Ta volonté est destinée à soutenir une guerre incessante contre la tyrannie et le mensonge, et à sarcler du cœur humain les germes du malheur. C’est ta main pieuse qui doit adoucir l’oreiller épineux du crime infortuné, dont l’impuissance mérite un facile pardon. Tu dois veiller sur son délire