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de la passion, se démène, glisse rapidement à travers sa triste durée, puis, machine inutile et hors de service pourrit, périt et passe.

LA FÉE.

« Esprit qui as plongé si profond ! esprit qui as plané si haut ! toi intrépide, toi le doux, accepte la faveur que ton mérite a gagnée, monte dans le char avec moi. »

L’ESPRIT.

« Est-ce que je rêve ? est-ce que ce sentiment nouveau n’est qu’un spectre visionnaire du Sommeil ? Si en effet, je suis une âme, une âme libre et désincorporée, parle-moi encore. »

LA FÉE.

« Je suis la Fée MAB ; il m’est donné de garder les prodiges du monde humain ; les secrets du passé incommensurable, je les lis dans les consciences infaillibles des hommes, annalistes austères et sans flatterie ; l’avenir, je le conclus des causes qui surgissent dans chaque événement. Ni le remords poignant, que le souvenir vengeur enfonce dans le cœur endurci de l’homme égoïste, ni les palpitations d’extase et de triomphe qu’éprouve l’adepte de la vertu quand il récapitule les pensées et les actes d’une bonne journée, ne sont pour moi choses imprévues et inaperçues. Il m’est permis aussi de déchirer le voile de la fragilité mortelle, afin que l’esprit, vêtu de son immuable pureté, puisse savoir comment atteindre au plus vite le grand but pour lequel il existe, et puisse goûter cette paix dont à la fin toute vie aura sa part. C’est là la récompense de la vertu ! Heureuse âme, monte dans le char avec moi ! »

Les chaînes du cachot terrestre tombèrent de l’âme