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La seconde apposée à un contrat hypothécaire, daté du 11 mars 1613, lequel fut donné à Garrick par un avocat anglais et est aujourd’hui perdu.

Les trois autres apposées au testament du poëte, lequel est conservé aux archives du Prerogative Office, Doctors’ Commons[1].

Les différences entre ces signatures, qui toutes sont dissemblables les unes des autres, ont donné lieu à des discussions intéressantes ayant pour but de fixer l’orthographe de ce glorieux nom : Shakespeare.

Pendant tout le dix-septième siècle et jusqu’à la seconde moitié du dix-huitième, le public lettré d’Angleterre, de France et d’Allemagne avait constamment écrit ce nom ainsi, Shakespeare. Cette épellation avait été adoptée notamment par Letourneur, lorsqu’il publia cette traduction qui fit, au siècle dernier, une sensation si profonde.

Toutefois, en l’an de grâce 1778, le commentateur Malone et le commentateur Steevens, à la veille de publier une grande édition des œuvres de Shakespeare, conçurent des doutes sur l’authenticité de cette orthographe, universellement adoptée. Pour éclaircir leurs doutes, ces deux critiques résolurent d’examiner ensemble le testament du poëte et de s’assurer par eux-mêmes de la manière dont l’auteur de La Tempête écrivait son nom. Ils étaient décidés à mettre en tête de leur édition l’orthographe indiquée par le maître lui-même.

Cette résolution arrêtée, Malone et Steevens se mirent à étudier religieusement les trois signatures du testament, la première apposée au coin droit de la première page, la seconde apposée au coin gauche de la seconde page, la troisième mise à la fin du document, avant les noms des exécuteurs testamentaires, au milieu de la troisième page. Steevens prit un crayon et, sous les yeux de son collègue, calqua exactement ces trois signatures. Après une longue méditation, les deux critiques décidèrent que, sur les deux premières pages de son testament, le poëte avait signé : Shakspere, et, sur la troisième page : Shakspeare. Entre ces deux orthographes différentes, laquelle choisir ? L’embarras était grand. La signature : Shakspere, était répétée deux fois, ce qui était un grand argument en sa faveur. Mais la signature : Shakspeare, était à l’endroit le plus solennel, à la fin du testament, ce qui était pour elle un titre non moins grand. À la fin, cependant, les deux arbitres se mirent d’accord et convinrent que la seconde signature serait adoptée par eux comme la plus authentique et aurait désormais le privilége de désigner au monde entier le plus grand poëte du Moyen Âge. Conformément à cette convention, Malone

  1. Voir la traduction au volume XV.