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Tempête, chassant dans la même forêt. Pendant la chasse, Engelbrecht se sépare du reste de la cavalcade et s’égare avec un des courtisans, nommé Famulus. En essayant de retrouver leur route, tous deux rencontrent soudainement Ludolph et sa fille. Ludolph somme le prince et son compagnon de se rendre prisonniers. Ceux-ci refusent et font mine de tirer l’épée. Alors, de même que Prospero dit à Ferdinand :

Ne reste pas en garde :
Car je puis te désarmer avec ce bâton-ci,
Et faire tomber ta lame,

» de même Ludolph retient les épées aux fourreaux sous le charme de sa baguette, paralyse Engelbrecht et le force à avouer que “ses nerfs sont redevenus ceux d’un enfant et n’ont plus de vigueur.” Puis il livre le jeune prince comme esclave à Sidée et l’emploie à porter des bûches. La ressemblance entre cette scène et la scène parallèle devient plus frappante quand, à la fin de la pièce allemande, Sidée, émue de pitié pour les fatigues d’Engelbrecht lui dit, comme la Miranda de Shakespeare :

Je serai votre femme si vous voulez m’épouser.

» Le mariage à la fin se conclut heureusement et amène la réconciliation de leurs parents, les princes rivaux. »

D’après cette analyse, on ne peut s’empêcher de reconnaître avec M. Thoms que l’analogie entre la pièce de Shakespeare et la pièce d’Ayrer est frappante. Mais je ne vois pas pourquoi il faut conclure de cette analogie que les deux pièces ont été faites d’après un modèle antérieur, aujourd’hui disparu.

Tout porte à croire au contraire que Shakespeare est bien réellement l’auteur de la fable originale, et qu’Ayrer, qui avait déjà traduit en allemand plusieurs pièces anglaises, a tout bonnement calqué La Belle Sidée sur La Tempête. À cette opinion on objecte que Shakespeare est resté parfaitement inconnu en Allemagne jusqu’à la fin du dix-septième siècle, et que, si Ayrer l’avait imité, il l’aurait fait connaître au public germanique.

Il est vrai que le nom de Shakespeare n’a été prononcé en Allemagne que vers 1680, à l’époque où le critique allemand Benthem fit du poète l’étrange biographie que voici : « William Shakespeare était né à Stratford, dans le Warwickshire. Son savoir était très--