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avant et s’amusait à l’aire voler son autour. Le soir était venu, et le damoiseau, attiré par l’oiseau, passait devant un fourré épais, quand tout à coup un personnage masqué fondit sur lui et d’un coup de lance le jeta à bas de son cheval. Girard blessé pousse un cri perçant qui retentit dans toute la forêt. Huon l’entend, accourt au galop et interpelle l’assaillant, l’épée à la main. — Lâche, qui donc es-tu ? lui crie-t-il. — Je suis le fils du duc Thiéry d’Ardennes, auquel le duc Sévin, ton père, enleva trois châteaux, et je me venge du père sur les enfants. — Ce disant, l’homme masqué donne de toute sa lance sur Huon. Huon, qui n’avait pas d’armure, avait eu la bonne idée de jeter son manteau sur son bras gauche. C’est sur ce bouclier qu’il reçoit le coup de lance ; le fer s’accroche dans les plis et laisse l’assaillant à découvert. Huon en profite, se dresse sur ses étriers, et assène sur le casque de son adversaire un coup d’épée qui lui fend le crâne. L’homme tombe à terre, jette un râle affreux, et meurt. Aussitôt Huon aperçoit dans la forêt une foule de gens armés, il appelle les chevaliers de son escorte et les range en bataille, pendant que l’abbé de Cluny panse la blessure de Girard. La bande ennemie n’ose attaquer et se retire. Huon relève le cadavre, le met en travers sur un cheval qu’un de ses écuyers doit conduire au pas, aide son frère à remonter en selle, et tous reprennent leur course vers Paris.

Enfin, le cortége arrive. L’abbé de Cluny présente le duc, son neveu, à l’empereur ; mais Huon refuse de se mettre à genoux devant Charlemagne, il lui montre son frère qui vient d’entrer dans la salle, soutenu par deux écuyers, et lui reproche hautement d’avoir autorisé le guet-apens. L’empereur se défend naïvement de cette complicité avec un chevalier félon, et prétend être fort aise que le jeune duc ait si bien châtié ce traître de Thiéry. À ce moment, une rumeur extraordinaire se fait entendre dans la cour du palais. Un cavalier vient d’y apparaître portant sur les arçons de sa selle le cadavre d’un homme armé, et la foule assemblée mêle à ses cris de douleur le nom de Charlot.

À ce nom qui lui est si cher, Charlemagne tressaille. Saisi d’un pressentiment sinistre il descend dans la cour, s’élance au-devant du cavalier, et, dans le cadavre qui vient d’être apporté, l’empereur reconnaît, ô stupeur ! non pas Thiéry des Ardennes, mais son propre fils, Charlot ! Charlot, son aîné ! Charlot, son enfant bien-aimé, à qui il eût donné sa couronne pour hochet !

Le fait n’était que trop vrai. C’était en réalité Charlot qui s’était embusqué comme un brigand dans le bois de Montlhéry, et qui avait voulu tuer Huon et son frère pour leur voler leur duché. Afin de